Suivant la RN 10 par une journée brumeuse en cette fin du mois de janvier, l’arrivée à Vouvray se fait par par le Nord quand les surfaces agricoles font place aux parcelles de vigne : Loire me voilà !
Alors que l’agenda aurait voulu que je sois à Montpellier pour participer au salon professionnel “Millésime Bio”, la COVID en a décidé autrement et la manifestation a été décalée en février. L’envie de sortir était trop grande et je décidais de troquer les vins de méditerranée contre ceux de Touraine dans la patrie du Ch’nin (chenin) le grand cépage blanc de cette région – mettons de côté le Sauvignon du centre et le Melon de Bourgogne du Muscadet quelques instants …
Profitant de l’occasion pour expérimenter les habitations troglodyte, je prend mes quartier au “Clos Baudoin”, un gite tenu par Julie MARTIN dont le mari Nicolas est … vigneron ! Cousin de François CHIDAINE (Montlouis) il travaille maintenant pour Vincent CAREME (Vouvray) et réalise une cuvée : Le Sicot un chenin sec.
Le Clos Baudoin est une parcelle close de murs ayant appartenu à la famille PONIATOWSKI jusqu’en 1999 date à laquelle François CHIDAINE l’a repris en métayage puis en propre.
Ce clos Baudoin a été replanté car il avait été touché par un virus de la vigne entrainant une maladie le court noué ….
Les vignes sont encore jeunes mais la parcelle exposée sud sud-est sera prochainement l’un des “must” de l’appellation Vouvray.
Si Vouvray et Montlouis sont cousines et partagent un cépage en commun, le Chenin, Vouvray rayonne plus fort avec ses 2.000 Ha contre 385 Ha. Côté terroirs, des tuffes du Turoniens (100 M années avant JC) à Vouvray et des argiles à Silex (perruches) à Montlouis, même si chaque appellation dispose de parcelles venant contredire ce propos.
Vouvray est tempéré par la Loire avec des combes bien exposées et Montlouis en bord de Loire également s’étire en surplomb de tuffeaux puis descend tranquillement vers le Cher et des sols plus limoneux.
Cependant, la production quasi industrielle (chimie, rendements, vendanges mécaniques) de Vouvray effervescents à destination de la grande distribution avait détourné les amateurs de vins vers Montlouis, plus petite et plus accessible pour les visionnaires comme CHIDAINE et les néo-vignerons (15 K€ l’hectare contre 40 K€).
En quelques années les BLOT, WEISKOPF ou DELECHENEAU introduisaient de nouvelles pratiques (bio, élevages en fûts) et rendaient le Chenin enfin plus “sexy”.
Avec un planning chargé et bousculé par les absences dues au COVID et la mise en bouteilles des bulles, je commence la journée par le domaine de la Taille Aux Loups repris par le breton Jacky BLOT dans les années 80. C’est le fils Jean-Philippe BLOT (JPB) qui me reçoit.
La Taille Aux Loups c’est 45 Ha sur Montlouis et Vouvray, une dizaine de cuvée de blancs effervescents et tranquilles, secs ou moelleux. Après une carrière dans le commerce du vin, Jacky BLOT pose ses valises dans la Loire et “réveille” les vins du coin : Des vins (très) secs alors que jusqu’ici on faisait des tendres et des bulles, et des élevages en fûts bourguignons qui lui furent reprochés par ses pairs accusé de dénaturer le profil historique de l’appellation …
A quelques encablures du caveau de dégustation du domaine à Lussault, JPB m’amène au Clos de Mosny. Parcelle clairement identifiée (clos) quand ses parentes de Vouvray Venise et Bretonnière ont dû abandonner cette précision après la perte de l’appellation désormais en Vin de France (merci la bureaucratie et la jalousie)
Suite au gel de 2016, le domaine a installé 14 éoliennes pour brasser l’air et l’an dernier il a fallu acheter des bougies. Peine perdue, le gel de début avril a impacté fortement la vigne, l’été difficile et la pression du mildiou ont fait que les rendements sur certaines parcelles ont été dérisoires.
Si la proximité de la Loire crée une tempérance permettant d’éviter les gros dégâts à Vouvray, dès qu’on s’éloigne au nord (Chancay, Reugny) ou au sud est (Montlouis) la température peut baisser de 3 ou 4 degrés …
C’est la raison pour laquelle, sur le Clos de Mosny, la taille de la vigne qui se fait en ce moment et jusqu’en février-mars est de 4 yeux contre 2 le plus souvent à Vouvray.
Ici, la vendange est manuelle en petites caissettes pour éviter la trituration du raison et donc son oxydation avec arrivée au pressoir.
Le domaine s’étant s’étant installé progressivement, les outils de production sont dispersés (vignes, caveau, chais). La construction d’un chai dans le clos de Mosny doit permettre de conserver notamment la cuvée triple Zéro sur lattes.
Année de contraste, 2021 qualifié de typiquement ligérien – un vigneron de la Côte de Beaune joint au téléphone 2 jours avant le qualifiant également de typiquement bourguignon mais on y reviendra – succède à 3 millésimes riches dont les équilibres acidité / alcool sont très différents … mais le réchauffement climatique ne fait aucun doute.
En dégustation, je n’ai pas le temps de tout gouter mais je note des 2020 réussis même si les degrés alcooliques (les 14° sont souvent atteints) donnent l’avantage à 2019 (Bretonnière 2019 est sublime).
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Le prochain rendez-vous est avec et chez François CHIDAINE qui ne reçoit que les professionnels, l’accueil des particuliers de faisant par sa femme à la cave Insolite dans le centre bourg.
Dans son chai, François CHIDAINE (FC) m’accueille chaleureusement malgré la froidure 1° extérieure. Nous dégustons les 2021 pris sur fûts. FC vendange en parcellaire si certaines parcelles comme Volagré (Vouvray) sont traditionnellement assemblée dans les cuvées comme Les Choisilles, le profil du millésime 2021 et la risque de botrytis l’ont poussé à renoncer à sortir des demi-secs comme Clos Habert lui aussi intégré en sec aux Choisilles…
Belle surprise que la cuvée “Les Epinays” 2021 dont les meilleurs vignes plantées sur des argiles à aubuis vont donner lieu à des magnums uniquement.
Autre surprise, ces boules de verre sur support d’acier qui tronent au milieu du chai. Ce sont des “Wine Globe” que quelques grands domaines utilisent déjà et que FC a retenu pour son hygiène car le faible dosage en soufre et l’ambition qualitative (pas de réduction aromatique pas de relargage comme avec une barrique ou une amphore) l’ont conforté dans ce choix.
En dégustation, des 2020 bientôt disponibles à la vente si les étiquettes arrivent et les quelques 2019 encore disponibles.
En 2019 Tuffeaux et surtout Clos Habert avec une grande maestria dans l’équilibre sucre / acidité offre un potentiel énorme.
En 2020, les blancs secs nous rapprochent des viogniers plutôt que des riesling avec leur texture, et leur arôme de fruits à chair blanche (pêche). Choisilles est très réussi comme les Bournais.
FC travaille avec sa fille sur une cuvée “Les Grillonières” son gendre installé à Amboise lui fournit des raisins (sauvignon et rouges) et son fils est pati faire le tout du monde des vignobles avant peut-être de reprendre le flambeau !
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A Montlouis toujours, un couple de néo-vignerons Dominique et Philippe IVANCIC (PI) installés dans la même rue au-dessus de FC me raconte leur histoire. Celle d’un comédien de théâtre qui se décide sur le tard de se lancer comme vigneron. Après des études de Viti à Beaune réalisées à distance il s’installe à Montlouis – car il est fan de Ch’nin et pour garder Paris et ses rôles d’acteur à proximité – avec sa femme et reprend le domaine de la CROIX MELIER en 2016.
Depuis lors, il a initié un passage du domaine en bio en 2019 et n’a eu de cesse de remonter le niveau des vins en arretant certaines cuvées et en lançant d’autres.
Malgré un début difficile avec une année 2016 marquée par un gel à 80% des parcelles le domaine de la CROIX MELIER propose de jolis Montlouis avec un Terres Turones 2019 confortable et un “Haut Des Pions” porté par une belle puissance avec un volume en bouche majestueux.
A noter depuis 2020, Montlouis a reconnu le PET NAT au sein de l’appellation, une première en France ! C’est beau la jeunesse …
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Passage rapide à la cave coopérative creusée dans le tuffeaux. Renommée Laudacius en hommage au romain éponyme qui donna son nom à Mont de Laudacius devenu Montlouis, elle regroupe 16 viticulteurs sur 200 hectares de vignes. A noter qu’elle propose une cuvée sans soufre et un Petnat !
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Pour terminer cette ballade vigneronne, retour de l’autre côté de la Loire à Vernou sur Brenne pour rencontrer l’un des talents discrets de Vouvray : Vincent CAREME (VC).
Installé sous sa parcelle des Clos qui lui donne l’une des plus belles cuvées de l’appellation, VC m’accueille dans ses chais de tuffeaux.
Fils d’un couple de maraichers locaux, VC se passionne pour la vigne et se lance en 1999. Le domaine étant limité en taille, il donne des cours de viti au Lycée agricole d’Amboise. Marié à Tania – son épouse sud-africaine, qui connait le chenin sous le nom de Stein puisque le cépage est arrivé là-bas par les huguenots – il porte progressivement le domaine à 22 Ha – après avoir intégré des vignes du Clos en 2004 et Peu Morier en 2005 – et propose également ses cuvées élaborées en partenariat avec des vignerons sud-africains (un blanc de chenin et un rouge de syrah/cinsault).
Aujourd’hui, VC propose 3 cuvées de bulles (1 méthode traditionelle, 1 petnat et 1 rosé de gamay, cot, cab.) un vouvray sec 2020 très tendu, une nouvelles cuvée parcellaire Clos de La Roche plantée en 2012 avec de jolis amers et beaucoup de puissance et son Clos 2020 encore un peu fermé mais sérieux et très bien fait malgré ses 14.5°, la cuvée Peu Moriée plus aérienne mais un peu plombée par l’alcool. Le Tendre (demi-sec) et surtout le moelleux sont également intéressants mais VC concède que les vouvray sucrés sont l’apanage de quelques domaines (FOREAU et HUET) spécialement adaptés pour ce type de vins. Modeste en plus !
Il fait nuit, le froid est mordant, le brouillard retombe. il est temps de repartir.