La cave était – presque – vide après Noël , la menace de confinement réelle et les espérances nées des premiers retours du millésime 2019 à peine en bouteille, gigantesques : Il fallait retourner en Bourgogne pour juger sur pièce.
Après un millésime 2017 dit classique, 2018, 2019 et 2020 ont été des années extrêmement chaudes et précoces. Cela fait en effet 2 ans que les vendanges commencent fin voire mi-août et que les canicules estivales mettent à mal les rendements, spécialement pour le Pinot Noir peu à son son aise avec ces températures : La vérité est dans le verre
Le temps était venu de sortir pour humer et grumer. J’emmène Arnaud, dans mes bagages pour un périple de 3 jours pleins, un Pisteur de Crus dont la passion pour les vins de Bourgogne est fameuse. C’est parti !
Première étape dans l’Auxerrois avec le village de St-Bris le Vineux à l’Est d’Auxerre et à quelques encablures de Chablis. Ici, après le phylloxera, ce n’est plus le chardonnay qui est roi, mais le Sauvignon (comme à Sancerre). Le village compte 20 vignerons ainsi qu’une énorme cave coopérative, celle de Bailly-Lapierre, 4 ha de galeries à 50 m sous terre, une étape touristique incontournable si vous avez le temps …
Dans des profondes caves calcaires du XIème siècle, JC BERSAN nous reçoit pour une dégustation qui va commencer de – très – bonne heure – par les 2020 pris sur fûts. Le domaine – certifié en bio depuis 2012 – propose 3 cépages en blanc : l’Aligoté, le Chardonnay et le Sauvignon Blanc (pas de Gris également autorisé dans l’appellation) donc et un en rouge : Le Pinot Noir en appellation côte d’Auxerre et Irancy (une appellation située dans le village éponyme à proximité et qui peut contenir également un autre cépage rouge parfois rude, le César). Le vignoble profite à plein du réchauffement grâce à son climat continental tout en gardant un air frais tempéré par sa proximité d’avec le Morvan.
Les vins de St Bris sont connus – comme ceux de Chablis – pour pousser sur des sols de calcaires issus de la période du Jurassique et disposant coquillages fossilisés les exogyra virgula conférant aux vins des arômes salins et des finales iodées : Des vins parfaits pour des accords avec des fruits de mer !
Direction Chablis, pour visiter le domaine BESSON. Un vieux (1902) et grand domaine (21 Ha dont 17 en propriété) qui propose plusieurs climats : Petit Chablis, Chablis, Chablis 1er Crus VAILLONS, MONTMAINS, MONT MILIEU et Chablis Grand Cru VAUDESIR et LES CLOS. Après avoir gouté des 2019 des 2018 et des 2017, et sans qu’aucune cuvée n’ai démérité, notre choix se porte sur des 2017 en MONT MILIEU et quelques cols de Chablis Grand Cru VAUDESIR et LES CLOS qui serviront également pour animer des ateliers quand la Covid nous laissera un peu souffler…
Passage éclair au Domaine Vincent DAUVISSAT où l’on pu “glaner” une modeste allocation de quelques bouteilles de Chablis Village 2012. Des bouteilles rares donc et qui seront réservées aux amateurs avisés …
Après une courte pause – car les restaurants sont fermés – direction Milly près Chablis pour rencontrer Fabien DAUVISSAT, du domaine Jean DAUVISSAT & Fils. Il y a pas moins de 4 DAUVISSAT producteurs de vins sur Chablis, il faut donc s’assurer de mettre les pieds chez le bon ! Fabien a repris le domaine familial de son grand-père Jean.
J’avais remarqué les vins de Fabien il y a quelques années déjà. L’occasion était trop belle de lui rendre visite pour gouter toute la gamme. Perfectionniste, il a repris le domaine de 22 Ha de son grand père et l’a converti en Bio (certification à venir pour le prochain millésime). Avec 55 parcelles, il dispose d’autant de tonalités différentes pour faire le meilleur vin possible. Cela passe également par le travail au chai avec l’achat de petites cuves permettant de vinifier séparément. Mention spéciale pour le Petit Chablis 2019, le Chablis Vieilles Vignes 2018 et le Chablis 1er Crus VAILLONS que nous ramenons dans nos bagages !
Passage obligé au Domaine Nathalie & Gilles FEVRE. C’est Nathalie qui nous reçoit et nous faire déguster les 2019 : Un beau tir groupé où les 2019 (FOURCHAUME bien, MONT DE MILIEU flatteur et équilibré, TONNERRE floral et fin) surclassent des 2018 déjà très bons. Le CHABLIS 1er Cru VAULORENT en 2018 et en 2019 est éblouissant avec du gras, de la minéralité et une longueur en bouche impressionnante : Voilà à quoi ressemble un blanc “puissant”. Le temps de réserver nos vins pour ne pas en manquer que nous voilà repartis …
Le Chablisien, c’est aussi Tonnerre avec ses appellations Tonnerre (en blanc sur la rive gauche de l’Armencon) et Epineuil (en rouge sur la rive droite et exposé ouest). Nous mettons donc le cap sur le Domaine GRUHIER lié à l’Abbaye de QUINCY à 15 km d’Epineuil. Nous avions croisé Dominique lors d’un salon à Paris et avions promis de lui rendre une visite.
De jolis blancs avec ces Tonnerre 2017 et 2019 (en bio désormais) puis les Petit Chablis Sur Le Clos 2018 mention spéciale pour le Chablis 2019 élevé avec 30% de fût (des Vosges) et ses notes de gelée d’orange et sa finale poivrée et boisée. Les Epineuils “Classique” 2018 dont les tannins un peu secs reflètent la rafle présente (20% grappe entière), Les CÔTES DE GRISEY 2017 et 2018 sont le reflet de leur millésime avec sur le dernier un fruits plus mûr mais des tannins plus enrobés que sur le “Classique” enfin, la cuvée JULIETTE 2018 présente des arômes de cerises kirschées avec un peu plus de longueur en bouche. Nous nous quittons non sans avoir gouté les bulles et notamment ce CREMANT 100% Pinot Noir particulièrement intéressant. Direction BEAUNE puis cap au Sud vers Mercurey.
Démarrage de bonne heure encore, cette fois nous sommes en côte Chalonnaise plus précisément à Mercurey . Ce village réputé propose des vins blancs 20% dont certains peuvent être grands comme ce 1er Cru La mission, monopole des CHAMIREY. Cependant, Mercurey est surtout connu pour ses rouges puissants que l’on compare souvent aux NUITS SAINT-GEORGES ou aux POMMARD. Avec 650 Ha de vigne localisés tout autour du village avec de multiples expositions, l’appellation est donc très diverse. C’est l’expérience que nous allons faire au Domaine RAQUILLET.
Au Domaine RAQUILLET, toute la gamme est d’un très bon niveau. Référence de l’appellation, François passera bientôt la main à l’une de ses filles qui travaille déjà à ses côtés. Ses vins semblent à son image mais dans la dégustation, nous avons eu des rouges friands (Vieilles vignes) délicats (CHAZEAUX) et solidement charpentés pour l’avenir (NAUGUES 1er Cru 2019) : Des vins de plaisir pour aujourd’hui, demain et après-demain.
Passage au domaine NINOT où nous sommes reçus par Flavien, qui a repris le domaine familial avec sa sœur Errel. 13 Ha de vignes sur Mercurey (rouge) et Rully (blanc & rouge). Le domaine est en bio et propose de jolis blancs (La BARRE 2019) et des rouges moins intéressants (Chaponnière rouge 2018 délicieux de facilité). C’est néanmoins un domaine à suivre…
Il est 11h00, direction Santenay pour gouter les 2019 du Domaine Jessiaume. William WATERKEYN, le jeune œnologue nous reçoit. Cela fait 3 fois que je croise William et le contact passe bien. Le domaine est désormais en Bio mais le changement de propriétaire m’inquiète. Il semble que le nouveau patron – un français ayant réussi dans la biotech – ai volonté de pérenniser le travail entrepris et de développer encore le Domaine Jessiaume et lui donner une vraie reconnaissance en France (le domaine était très présent à l’export).
En dégustation, la cuvée de Chardonnay simple 2019 issue du négoce (mais vendangée par les équipes du Domaine) est savoureuse. Le Santenay Blanc Gravières 2019 est encore meilleur que le 2018 en offrant un surcroit de volume en bouche et une minéralité plus intense en finale. En rouge , coup de cœur pour ce Clos du Clos Genet 2019 qui allie finesse et allonge tonique slurp ! Le Beaune 1er Cent Vignes est plus sérieux, c’est un vin de plaisir jovial, plein et assez “sphérique”. Une parcelle étonnamment facile à travailler selon William.
La neige n’a pas encore complètement fondu quand nous arrivons au Domaine PARIGOT à l’entrée de Meloisey. Nous sommes reçus par Régis, le père d’Alexandre PARIGOT qui a repris le domaine en 2004. Image fidèle du bourguignon avec des yeux pleins de malices, Régis est un homme affable qui connait bien les vignerons alentours. Travaillant pas mal avec la restauration, le domaine souffre un peu de la situation sanitaire. Côté dégustation, en blanc comme en rouge, les Hautes-Côtes 2019 sont des vins réussis. Le Meursault Limozin 2019 est encore marqué par des notes lardées de son élevage mais rien de rédhibitoire. Mention spéciale pour le Savigny 1er Cru Vergelesse : Une belle appellation, une parcelle (climat) parmi les plus qualitative et un millésime enthousiasmant : Un beau vin en somme.
Après un passage rapide aux Domaines Marquis d’ANGERVILLE et Jacques PRIEUR où les protocoles COVID ne permettent pas de déguster …, nous arrivons à Tailly aux environs de Meursault, au Domaine BERTHELEMOT. C’est Thomas, œnologue et fils de Brigitte qui a crée le domaine en 2006. Travaillant avec Marc CUGNEY – ex vinificateur de CHANSON Père & Fils, il nous présente les 2019. Si les blancs sont d’un très bon niveau général, c’est le MONTHELIE rouge qui nous fait la meilleur impression. La cuvée a été amputée de la parcelle JOUERES pour ne conserver que la PIERREFITES depuis le millésimes 2018.
En face du restaurant TRES GIRARD à Morey Saint-Denis- le village au cœur de la spéculation foncière – , nous avons un rendez-vous matinal (encore). A 8h30 nous sonnons à la porte d’un des Domaines les plus en vue de la Côte de Nuits : Celui de Cécile TREMBLAY.
Après avoir vendangé le 31 aout en 2019, elle a vendangé le 20 en 2021. Quand nombre de ses pairs n’étaient pas encore rentrés de vacance, Cécile TREMBLAY démarrait ses vendanges afin de garder “des acidités naturelles élevées” plutôt que des acidités tartriques. Connue pour être parmi les premiers domaine à ramasser, Cécile TREMBLAY nous gratifie pour appuyer ses propos du Morey Saint Denis Tres Girard 2020 en fût : Une jolie promesse. Ensuite nous enchainons avec les 2019 en bouteille : Bourgogne rouge 2019 (somptueux), Echezeaux 2019 (grand) et Chapelle-Chambertin 2019. Dans ce dernier vin, on retrouve toute la sensibilité de la vigneronne qui expérimente avec méthode et volonté : Peut-être un vin d’anthologie…
S’il est un domaine que nous avons des difficultés à rentrer, c’est bien celui de Jérôme CASTAGNIER. Pas encore Star mais déjà largement reconnu en France et en dehors des frontières, son domaine propose une large gamme de grands crus sur Morey et ailleurs : Clos de la Roche, Clos St Denis, Clos de Vougeot, Charmes Chambertin et en négoce Echezeaux, Grand Echezeaux, Bonnes Mares, Chambertin Clos de Beze rien que cela …. Actuellement en travaux pour agrandir ses chais et offrir un espace de dégustation, Jérôme ne sait plus où donner de la tête. Les Gevrey et Clos de la Roche 2019 goutés sur cuve avant mise nous ont paru également très prometteurs et à l’image du vigneron : Puissants mais non dénués de finesse.
Après Morey Saint-Denis, direction Vosnes et Nuits Saint-Georges pour une dégustation dans les domaines RION Armelle et Bernard et Mathieu GILLE. Le domaines RION est situé sur la route des Grands Crus et souffre particulièrement de l’absence de touristes.
Au domaine Mathieu GILLE , nous comprenons mieux les difficultés financières des bourguignons alors même que le prix des bouteilles ne cesse de s’envoler : Pour payer ses fermages, une bonne partie des 2019 ont été vendus au négoce. En prenant ces chiffres en référence, on apprend que sur l’appellation CORTON-CHARLEMAGNE, le prix de la pièce est de 15.000 € en 2020 soit 50 € la bouteille de raisins (sans compter le travail des équipes, les barriques / cuves, le prix du bouchon et de la bouteille etc. ) ! Ces fermages sont soit payés au réel propriétaire de la parcelle dans le cas d’une cuvée de négoce, soit aux membres de la famille quand ceux-ci n’exploitent pas le vignoble. Résultat, beaucoup de “petits vignerons” sont à risque dans le cas de millésimes avec peu de rendements et la vente au négoce peut rapporter presque autant que la vente en son nom avec une trésorerie immédiate : C’est tout le paradoxe bourguignon en ce moment…
Dernière étape et non des moindres, avec le Domaine du Clos de l’ARLOT, propriété de AXA Millésimes. C’est Géraldine GODOT l’œnologue du Domaine qui nous reçoit dans une salle de dégustation ultra moderne. Elle nous présente Le NUITS SAINT-GEORGES Blanc la Gerbotte 2019 ainsi que le CÔTES-DE-NUITS VILLAGE Rouge 2019, le VOSNES-ROMANEE 1er Cru LES SUCHOTS et le NUITS SAINT-GEORGES 1er Cru Rouge 2019 CLOS DES FORETS une parcelle en monopole dans le sud de l’appellation. Sur ce cru, Géraldine GODOT assemble 6 cuves selon les volumes et les profils aromatiques : Sur le haut de la parcelle, peu de sols, des vins fins et minéraux alors que sur le bas, près de la nationale, on trouve des sols argilo-calcaires de LADOIX produisant des vins un peu plus rustiques mais surtout plus puissants. En tant qu’œnologue, elle s’inquiète de ces millésimes chauds et des canicules estivales qui peuvent donner des pinots noirs très “sudistes” … Cette année elle avait préparé le matériel de vendanges avant les grandes vacances pour être prête dès son retour. Elle a eu raison !
La nuit tombe sur NUITS, il est temps de rentrer et de revenir à DREUX pour partager avec vous le résultat de cette quête …